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La thérapie de Lilith
La thérapie de Lilith
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La Mort

La Mort

" Ce texte est protégée par le code de la propriété intellectuelle "

" I.
Furtifs, les guetteurs de la mort emprisonnent les corps de leurs doigts glacés. Sans distinction, ils volent le dernier souffle des créatures empalées dans ces bois. Ils n’ont reçus pour ordre que de revenir les mains emplis d’âmes putrides et sanguinolentes. Alors ils empochent tout ce qu’ils trouvent sur leur passage. Les supplices s’abrègent après leur venue. Jusqu’à ce que la Mére fauche les cordes les reliant encore à ce monde. Alors s’ensuit la longue traversée du Purgatoire. Seront-ils libérés de leurs chaînes, ou reliés à elles pour l’éternité ?

Qu’importe …

Ses yeux laiteux regardent cet étrange ballet, invisible aux yeux des mortels. Fille d’une ancienne prêtresse, ses pouvoirs n’ont cessés de se décupler. Dans les ténèbres et le silence de la solitude, elle a appris à les maîtriser au-delà de ce qu’ils auraient pu imaginer. Sa propre mère l’aurait-elle laissé vivre si elle avait su ? Si elle avait compris que ce monstre naît de ses entrailles deviendrait la plus grande menace pour ce monde qu’elle chérissait plus que tout le reste ? Plus que l’amour même qu’elle avait porté pour son amant ? Plus que la naissance d’un petit être, encore innocent, gémissant, apeuré, ne demandant qu’à aimer ?

Qu’importe !

Lasse de contempler le travail monotone des guetteurs, elle quitte le monde des morts sans frémir une seconde. Ce qui implique une concentration incessante et une pensée collective pour ces satanés prêtres en aube grise, ne lui demande en réalité aucun effort. A chaque seconde ses pensées peuvent basculer d’un monde à l’autre. Et elle en revient sans dommage dès lors qu’elle le décide.

Si vous saviez, m’auriez-vous tuée ?

Cette unique idée l’obsède et l’emplit d’une rage froide. Elle n’a que trop pleuré autrefois de n’avoir personne à qui confier ses plus sombres pensées. Aujourd’hui elle n’aura plus de compassion pour ce monde qui l’avait banni avant même sa venue sur terre.

En désirant éliminer un monstre, vous avez créés la pire d’entre nous. La folie guidera mes pas, et assassinera les vôtres au même titre que vos peurs ont tués les miens.

Le goût de la vengeance assèche son gosier. Sa soif de sang s’accroît de jour en jour. Viendra le temps de la terreur. Le temps du sang, des cris, de la mort.

II.

Les immeubles ont été ravagés dans un seul souffle. Le feu a tout emporté avec lui. Les cris des mourants se sont éteints depuis le début de la Longue Nuit. Il n’y aura sans doute pas d’aube pour l’Humanité. Les derniers d’entre eux finiront dévorés par la haine qu’ils ont eux-mêmes engendrée. Les êtres pourchassés sont devenus les chasseurs.

Pourquoi leurs prêtres n’ont-ils pas prédit cette fin ? Leur fin ….

Il ne sait pas pourquoi il lutte encore. Les souterrains englués dans le vomi des villes lui servent pour l’heure de refuge. Il n’ignore pas le danger. Sombres et nauséabonds, c’est le repaire idéal pour attraper leur proie. Pourtant, il a survécu là depuis la fin de leur règne. Se déplaçant sans cesse. Jamais plus de quelques heures à la même position. Du moins selon son estimation. Comment déchiffrer le temps qui passe, alors que celui-ci semble s’être arrêté en même temps que sa vie de pacotille ! La haine n’a pas rongé son corps, voilà peut-être le secret de sa survie. Il ne lui en veut pas. Il ne la hait pas. Et jamais, au plus profond de son âme, il ne parviendra à juger ses actes.

Nous l’avons conduit à agir de la sorte. Nous avons provoqués ce cataclysme.

Bientôt, la terreur cessera, alors sa vie commencera. Peut-être ….
Il ne saisit pas vraiment ses motivations. Il aurait dû abandonner la lutte depuis de longues semaines déjà. Lorsque les survivants qu’il menait s’étaient retrouvés prisonniers des crocs de ses ennemis. Il n’a pas compris encore qu’il pourrait faire partie de ce nouveau monde. Il pense que sa place est dans la mort. Il pense courir après elle. Mais il se pourrait, au détour d’un tunnel, qu’il finisse par la devancer.

III.

« Cesse donc de m’appeler ainsi ! »
La colère à peine voilée de la femelle en face de lui le fait sourire. Il ne devrait pas. Elle est Celle qui les a libérés. L’oppression s’était terminée dans un bain de sang. Grâce à elle. Libérés de leurs entraves, elle les avait conduits à une rébellion sans tâche. Ce monde allait enfin devenir le leur. Les tyrans, morts ou agonisants, ne pourraient pas se relever d’une si grande haine.
« Mère, vous nous avez délivrés de nos entraves et conduit à la victoire. Votre puissance ne pourra avoir d’égale. Pourquoi rejeter ainsi l’amour de vos enfants ? »
Elle fulmine. Pourquoi insiste-t-il de la sorte. N’entend-t-il pas à quel point sa rage risque d’imploser ! Est-il un imbécile pour ne pas comprendre qu’elle ne les a pas engendrés !
« N’as-tu pas un père et une mère ! T’ont-ils banni pour que tu les rejettes ainsi ! »
Il ne peut quitter ses yeux du regard. Deux magnifiques prunelles vertes qui lancent à l’instant des flammes. Sa lourde chevelure rousse tombe en boucle sur sa nuque blanche. Et altière. Surtout altière.
« Cesse donc de me regarder ainsi ! »
Il lui semble difficile de détourner le regard, l’effort lui arrache une grimace. Mais un sourire transgresse aussitôt la barrière de son visage.
« Et cesse aussi de sourire. Je ne suis pas votre Mère ! Ni même votre Reine. Votre maître. RIEN ! »
Sur ce dernier cri, sa voix s’essouffle. Sa respiration laborieuse trahit une de ses principales faiblesses. Il fait mine de ne rien remarquer.
Elle les a libérés.
Elle avait le pouvoir de les détruire avec le reste de ce monde.
Mais elle les a libérés.

Alors même si aucun d’entre eux ne venaient de ses entrailles, elle serait à jamais la Mère de leur Histoire. Créatrice de leur liberté. Elle leur avait permis d’écrire une nouvelle page de leur vie. Sans liens. Sans tortures. Sans prison. Elle pourrait s’égosiller autant que ses forces le lui permettraient, pour toujours liés à elle, ils lui donneraient à présent leur vie sans sourciller. Un amour sans faille s’était activé lorsqu’elle avait choisi de les libérer au lieu de les détruire. Impuissante, elle serait obligée de l’accepter. "