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La thérapie de Lilith
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La sentinelle égarée 3

La sentinelle égarée 3

" Ce texte est protégée par le code de la propriété intellectuelle "

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CHAPITRE II :

Mai de l’an 500

« Cela faisait maintenant cinq mois qu’une partie de ma mémoire m’était revenue.

Cinq mois de souffrance contenue.

Cinq mois insupportables.

Cinq mois de douleur durant lesquels je dus obéir à mes maîtres, les Amervilles. Lesquels m’avaient menti sans scrupules. Je n’étais pas née dans ce village. Ma mère n’était pas morte en couche. Et mon père n’avait pas été tué lors d’une tentative d’évasion. Tous deux esclaves, quel mensonge ! »

Je m’arrêtais un instant dans la narration de mon récit. Je m’arrêtais et regardais autour de moi. Tous ces visages qui m’observaient. Subjugués. Buvant chacune de mes paroles. Dans l’attente de la suite….

Ces gens m’avaient accueilli chaleureusement. Et curieux de nature ils désiraient connaître les raisons de mon arrivée en ce lieu. C’est pourquoi ce soir là, trois jours après mon arrivée, j’avais fini par répondre à leur requête. Et je racontais mon histoire…

Mais déjà l’impatience gagnait la foule.

Alors je repris à mi voix :

« Je disais donc qu’ils m’avaient menti sans vergogne. Pourtant je leur appartenais et je devais donc me plier à leur volonté.

« -Malika !

- …

- Si tu ne descends pas tout de suite tu n’auras pas de dîner et tu finiras ton travail cette nuit ! »

J’étais lasse, j’avais faim, je suis donc descendue.

« Où étais-tu ?! »

Pas de réponse. Je savais qu’elle se lasserait plus vite que moi. Peu lui importait la réponse en réalité.

Et en effet elle m’annonça sans attendre que le dîner devait être prêt avec une heure d’avance et que je devais, par conséquent, aller aider la cuisinière.

Je me dirigeais donc à pas lent vers la basse cuisine, dans laquelle s’affairaient déjà les marmitons autour du chef cuisinier : une énorme matrone au teint rougeaud et au regard sournois. Elle gueulait ses ordres de manière sèche et méprisante comme si son poste au sein de la maisonnée était le plus haut qui soi. A peine m’eut-elle aperçu que sa voix prit un ton moqueur. Elle m’ordonna aussitôt de récurer au plus vite les chaudrons alignés au fond de la pièce. Chaudrons qui attendaient certainement depuis la veille. Les sauces avaient donc eu le temps de coller sur les parois et bien sûr lorsque je sortirai de cette étouffante pièce mes doigts seraient en sang. Pourtant cette tâche me convenait, elle m’évitait de devoir travailler avec les autres. Il me suffisait d’aller vite afin de ne pas avoir à discuter avec eux. Je m’attelais donc à ma tâche, sans même un regard pour mes semblables. Auparavant j’étais convaincue qu’ils étaient ma famille, que je devais les considérer comme tel. Je ne pensais même pas à celle qui m’avait mise au monde, je ne l’avais pas connu alors je ne m’y intéressais pas du tout. Et puis ces souvenirs m’étaient revenus. Et je les haïssais à présent. Je récurais sans les voir les innombrables chaudrons qui attendaient. Je ne pensais à rien en particulier. Le fait de nettoyer, essuyer, remiser m’aidait à vider mon esprit. Je n’entendais plus le va-et-vient incessant des gens autour de moi. Et c’est ainsi qu’insidieusement un autre souvenir m’est revenu, un souvenir que je n’avais encore jamais vu. Que je n’avais donc pas encore maîtrisé.

Je vis tout d’abord du sang.

Des litres de sang.

Puis des voix commencèrent à se mêler dans ma tête. De manière confuse mais lancinante. Elles se mélangeaient avec le sang. Et ce fut des corps que je distinguais alors vaguement. A mesure qu’ils m’apparaissaient de plus en plus nettement, les voix devinrent des cris.

C’est à ce moment là que la cuisinière, qui s’était tournée vers moi, hurla face à mon visage hagard.

Le visage d’une condamnée….

Mais je ne pouvais pas l’entendre. Les cris étaient devenus des hurlements sans fin.

Je me balançais d’avant en arrière, agrippant ma tête comme pour sortir cette vision au plus vite. Mais plus je me balançais et plus les corps refusaient de s’en aller.

« Nooooooooooooon !!!!!! »

Les voix appartenaient aux propriétaires de tout ce sang. Flots écarlates. Indomptables. Elles criaient, gémissaient, et surtout suppliaient…. Ces voix étaient d’autant plus horribles à entendre qu’elles appartenaient toutes, sans aucun doute possible, à des gens que j’avais connus. Aimés. Et ils mourraient sous mes yeux. Une nouvelle fois. Et une nouvelle fois je ne pouvais rien y faire. Je me pliais alors en deux. Le souffle court, je n’arrivais plus à respirer. Je voulais juste les faire taire. Toutes ces voix m’épuisaient.

« Faites les taire, je vous en prie faites les taire… »

Rien ne parvenait à déchirer le voile de ma douleur qui m’étreignait, m’étreignait ….jusqu’aux tréfonds de mon âme j’éprouvais leur douleur, leur certitude de mourir, leur agonie…. Je pleurais avec eux. Je souffrais en même temps qu’eux. Et leur mort était ma mort.

Sentiment de perte.

Insoutenable.

Un jour tu as traversé ma vie. Envahit mon corps. Rongé mes chairs. Aujourd’hui encore je t’entends souffler sur ma vie et la dévaster telle une tornade invisible. Je n’ai pas su te vaincre alors. Tu as tout emporté. Tout ravagé….

Si tu savais comme je te hais !

Un cri de souffrance due à mon impuissance s’étrangla dans ma gorge. Des sanglots en montèrent. Mais je les retins. Comme toutes les autres…héritage infime légué par ma famille : ne jamais pleurer pour survivre.

Car les pleurs sont preuves de faiblesses…

Et c’est comme ça que je parvins peu à peu à repousser ma vision et à reprendre le dessus en revenant dans la réalité. Pour me rendre compte que j’étais écroulée à terre, recroquevillée contre un chaudron en cuivre, dans la position d’un fœtus. Toute la maisonnée à présent réunie autour de moi. Tels des vautours prêts à fondre sur leur proie mourante.

Dans leurs yeux je pouvais lire une condamnation sans appel : je devenais folle. C’était l’explication à ce changement brutal de comportement. La seule raison qui pouvait expliquer mon attitude de moins en moins obéissante. Et la seule qui puisse leur donner le droit de m’enfermer à tout jamais. Moyen rapide et efficace pour se débarrasser de moi. Ainsi va la vie pour les esclaves : lorsque nous sommes encore utiles on nous soigne on nous protège, mais lorsque nous affirmons notre caractère à la face du monde, le mieux est encore de nous oublier dans un coin reculé où nul ne viendra nous retrouver.

Je compris qu’il me fallait partir. Je n’avais plus ma place en ce lieu. Je ne pouvais plus obéir à ces menteurs. J’ignorais même si je parviendrai encore à obéir à quelqu’un un jour.

Il me fallait partir, mais où aller ? Que faire ? Qui rejoindre ? J’avais grandi ici, je ne connaissais que la servitude. Jamais je n’avais eu à prendre de décision par moi-même. Il me semblait presque impossible que je puisse survivre seule dans la nature, hostile pour quiconque ne parvient pas à la dompter. Pourtant, je préférais mourir ailleurs, loin de mes repères, que d’avoir à vivre une éternité enfermée entre ces murs, sans espoir de revoir un jour la lumière du soleil.

« Tu devrais aller te reposer…. »

La voix du fils des Amervilles me sortit de ma torpeur et confirma mes soupçons. Cette soudaine sollicitude…ce sourire qui se voulait confiant…ce regard gourmand…me conforta dans ma décision : j’allais partir. Le plus vite possible. Mon départ devait se faire cette nuit là. A l’aube il serait trop tard.

Je lui renvoyais un regard vide, mort. Qui l’effraya bien qu’il tenta de le masquer. Puis je me relevais lentement, soucieuse de paraître plus faible que je ne l’étais. J’avais besoin de temps. Il ne fallait absolument qu’ils décident d’appeler l’asile ce soir. En boitant légèrement je finis donc par remonter dans le grenier. Là, je me jetais sur le matelas posé au sol, lequel m’avait servi de lit durant tant d’années. J’étais consciente que ma douce Sylvana m’avait suivit. Il était évident qu’on lui avait confié pour tâche de me surveiller. J’aimais Sylvana plus que tout, et savoir que son obéissance aux maîtres serait toujours sa priorité m’écœura tellement que j’éprouvais un irrépressible besoin de la cogner.

Tout mon corps se tendait vers ce besoin : mes mains se crispèrent en poing, mes muscles se bandèrent et de nouveau cette envie gigantesque de planter mes ongles dans sa chair, de faire couler son sang… je dus faire un ultime effort pour ne pas pivoter et me jeter sur elle de tout mon poids. Un tel acte l’aurait envoyé valdinguer dans l’escalier en bois vermoulu et elle serait sans doute tombée tête la première.

« - Laisses- moi !

- Tu sais bien que c’est impossible.

- Vas-t-en !

- Je ne peux pas faire ça, tu le sais, alors pourquoi t’énerver. Tu aimais bien avant qu’on se retrouve dans ta chambre…

- Tu ne comprends rien. Restes si tu veux. Mais je t’aurais prévenue. »

Elle me répondit avec son rire clair. Elle avait toujours cru que mon amour pour elle équivalait à son attirance pour moi. Elle pensait avoir en cela un pouvoir indéniable sur mon être. Mais ce qui aurait pu devenir vrai avec le temps était devenu impossible le jour où j’avais posé mes yeux sur cet homme. Elle était aussi méprisable que les autres en fin de compte. Aussi peu digne d’intérêt. Pourquoi avais-je perdu tant de temps à essayer de l’aimer malgré ma répulsion pour ses envies sexuelles ? Pourquoi m’être convaincue qu’elle était la personne la plus importante pour moi ? Face à cette réalité, à ce sentiment d’avoir trahit mon esprit, la même envie me reprit : la balancer dans l’escalier et la voir s’écrouler au sol, le visage en sang, la nuque brisée peut-être…Ce qui la sauva fut l’appel du maître de maison, qui lui ordonnait de redescendre le temps d’aider à finir le repas. Cela la sauva et me permit de mettre mon plan à exécution. Je fourrais une cape râpée, usée par les ans, dans un petit sac en peau d’hermine rapiécé, pour les nuits fraîches. J’y ajoutais le collier et le bracelet en perles de coquillage de ma mère, seuls vestiges de cette époque révolue. J’y mis également deus silex, pour allumer du feu dans le crépuscule de la forêt. Et enfin, une simple robe de laine de rechange. Pour finir, au dernier moment, je glissais dans la pochette intérieure un coutelas finement aiguisé. On ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre quand on prend la route.

J’ai toujours aimé les armes blanches. Plus sanglantes. Plus intimes. »

Je stoppais à ce moment là mon récit. J’avais besoin de reprendre mon souffle. Revivre ses instants, ses désillusions me faisaient mal.

Plus mal que je n’aurais voulu le reconnaître. Pourtant je continuais. Maintenant que j’avais commencé je devais finir. Il fallait que je me soulage un peu de ce fardeau.

« A peine avais-je finis mon paquetage, que j’entendis des pas remonter dans l’escalier. Il ne faisait aucun doute que Sylvana venait reprendre la surveillance. Pour éviter d’avoir à la regarder, lui parler ou même répondre à ses avances insensées, je me dépêchais de dissimuler le sac dans un coin de la pièce, puis je m’allongeais sur le matelas. Dos tourné à la porte. Visage hagard épiant les fissures du mur. Mon regard se perdait dans ses fissures, à la recherche de l’inconscience, d’un moyen de revenir en arrière et tout oublier. Au lieu de quoi de nouvelles pensées se mirent à tourbillonner de plus en plus vite dans ma tête. Une sombre idée commença à germer dans mon esprit abîmé.

Présage de mon proche avenir… ?

Pourquoi ne pas mettre à profit cet exil forcé en recherchant l’assassin des miens ? Pourquoi ne pas le chercher et venger tous mes morts ?

Au fond de moi l’envie de tuer déjà grandissait…

Seule. Il fallait que je le tente. Seule. Bien que ma quête me conduirait fatalement sur la route de cet inconnu aux yeux charbons. Il me fallait à tout prix le retrouver, lui qui avait provoqué ce raz-de-marée de souvenirs, lui par qui tout était revenu et qui avait semblé si soucieux de découvrir qui j’étais. Il avait posé tant de question dans cette taverne…

****

…Et tu viens d’où ? »

Cette question me surprit. Non seulement cet inconnu n’avait pas cessé de ma questionner alors que j’attendais le retour du tavernier, partit cherché dans l’arrière salle sa participation obligatoire pour avoir le droit de travailler sur cette terre, mais en plus sa question me donnait l’impression de recouvrir un sens plus large qu’elle ne le laissait supposer. Il ne voulait pas savoir où j’habitais mais bien où j’étais née. Or, je n’avais pas envie de lui expliquer que je n’avais gardé aucun souvenir de mon enfance mais que mes maîtres m’avaient certifiés avoir grandie dans ce village.

En vérité cet inconnu me mettait mal à l’aise. La totalité de son corps était recouvert par un habit noir qui enserrait sa taille et ses jambes mais resté ample sur le reste du corps. Même son visage était dissimulé en dessous d’un foulard noir. En vérité seuls ses yeux charbons étaient visibles. Et ils transperçaient mon corps de manière dérangeante.

« Je l’ignore » répondis-je rapidement tout en me tournant de l’autre côté pour lui signifier que je n’avais pas envie de poursuivre la conversation.

Il n’abandonna pas pour autant. Et ces mots furent le déclencheur : « En tout cas tu n’es pas d’ici c’est évident !»

Le ton catégorique et la certitude dans sa voix m’obligèrent à pivoter de nouveau vers lui. Mais avant d’avoir pu lui demander ce qu’il entendait par là, le tavernier était revenu avec une enveloppe pleine d’une liasse de billets à remettre à mon maître.

Deux jours plus tard les cauchemars apparaissaient…. L’étranger, lui, avait disparu.

****

Je revoyais le regard de l’homme. Un regard ravagé par des années de lutte. Un regard sombre dissimulant maint mystère. Il fallait que je le retrouve, mais par quoi commencer ? Je ne savais pas à quel endroit me rendre pour débuter mes recherches. D’autant plus que si j’arrivais effectivement à m’enfuir d’ici, ils ne cesseraient pour autant de me traquer. Je leur appartenais. La fuite était punie de mort. Comment leur échapper tout en le retrouvant ? Toutes ces questions me donnaient le vertige. Elles m’effrayaient tellement que j’étais toute prête à laisser tomber. Mais Sylvana choisit ce moment là pour se faufiler à mes côtés sur le matelas. De nombreuses fois nous avions dormi ensemble, mais je n’étais pas alors consciente que ses mains sur mon corps désiraient plus que ma simple amitié. Et mon esprit n’avait pas retrouvé l’état primitif de sauvagerie que tous les guerriers de la tribu d’Iowa possédaient pour survivre. Tout était différent alors. Et ses mains qui se posèrent sur moi, avec l’intention évidente de profiter de mon état de faiblesse, réveillèrent le démon somnolant dans mon corps. Je la repoussais brutalement. Les yeux fous de colère. Mes mains s’abattirent sur son visage avant qu’elle n’ait eut le temps de réagir. Je la cognais brusquement deux fois avant de réaliser ce que je faisais et de m’arrêter net.

Alors sans réfléchir je me précipitais vers mon sac, que j’enfilais sur une épaule, avant de descendre les marches quatre à quatre. En bas ils tentèrent de s’interposer mais j’étais trop en colère et la peur de ne pas réussir à fuir m’emporta. Loin. Je m’envolais vers ce paradis auquel je n’avais plus pensé depuis l’enfance et qui est pourtant promit à tout humain : la liberté.

Je n’arrêtais ma course folle qu’une fois à l’orée de mon village. Je n’étais jamais allée plus loin que cette maison en brique rouge. C’était l’endroit le plus éloigné jamais atteint durant toutes ses années de mensonge. J’avais amplement conscience que ma fuite avait été trop facile. Il fallait que je me méfie. Que je réfléchisse. Mais que faire ? Où aller ?

A droite.

A gauche.

Je ne parvenais plus à réfléchir. Tout se brouiller dans ma tête. L’instant présent. L’instant passé. Je savais qu’il fallait que je retrouve mon calme mais depuis toujours les autres prenaient les décisions à ma place, je ne savais pas quelle solution était la meilleure. Devais-je rester et attendre de savoir ce qu’ils me réservaient ? Ou au contraire fuir le plus vite possible sans me retourner ?

Ils m’évitèrent de trancher. En effet, j’entendis finalement des aboiements furieux. Ainsi, ils avaient lâché les chiens. Ces salops avaient lâchés les chiens sur mes traces. Ceux qu’ils affamaient pour les combats à mort ! Je pressentis soudain que je n’avais aucune chance. Que j’avais été folle de croire que c’était possible à réaliser. Et pourtant…. Pourtant je pris la fuite. Courant comme le vent à la poursuite de la lune, je partais, partais sur la route de droite. Pourquoi celle-ci plutôt que l’autre ? Mes pas avaient choisi. Pas moi. J’avais l’impression de voler tellement la sensation du sol qui s’étendait sous mes pas était grisante. La route s’étendait infinie, tout comme la vie est sans fin, elle ne menait nulle part mais c’était ça le plus grisant : savoir que je n’allais à aucun endroit. Que je pouvais courir aussi longtemps que je le souhaiterai sans jamais la voir prendre fin.

J’étais libre.

De toute barrière.

De toute entrave.

J’étais vivante désormais.

J’aurai voulu le rester…

****

Comme je me trompais alors ! Nul ne peut échapper aux chaînes de son destin ! Quoi que même les plus sages ne peuvent le certifier.

Peut-être que…Non ! Inutile de m’engager sur cette voie.

****

Cependant, pour rester libre je devais oublier mon souffle court, mes poumons en feu et mes pieds en lambeaux. Et surtout je devais oublier cette peur envahissante d’être prise de nouveau dans leur filet. Si je voulais leur échapper je devais oublier la douleur et la peur. Courir était la seule préoccupation qu’il me fallait garder à l’esprit. Aussi j’oubliais tout et fuyais…fuyais comme cette autre fois, il y avait si longtemps, et pour laquelle j’avais mis tant d’énergie à oublier.

Contrairement à mes certitudes le sentier que je suivais avait une fin. Il conduisait tout droit à la Forêt Maudite. On prétendait que des fantômes, des créatures de l’Autre Age résidaient là. Et que nul voyageur qui s’y serait aventurait n’en était ressortit indemne.

Le destin, toujours, impossible d’échapper à ces griffes décharnées….

C’était mon unique chance. Si j’y pénétrais la peur les pousserait à abandonner.

Vite !

J’étais à l’orée à présent. Les yeux toujours hagard mais encore en vie. Et le cœur emplit d’espoir. Espoir infernal de réussir. De parvenir à réaliser ce que je m’étais fixé.

Mais les Dieux m’avaient abandonné dès ma naissance et ils ne furent pas avec moi. Pas plus cette fois-ci qu’auparavant puisque alors que je m’élançais enfin vers mon salut un de sales bâtards bondit sur moi et me mordit sauvagement. Je sentis ses crocs acérés s’enfoncer dans ma chair. Déchiqueter la peau et tenter d’atteindre l’os. Je retenais un cri de douleur et de frustration à la fois. Une sueur froide envahit ma peau. Dégoulinant lentement le long de mon front pour atterrir à la commissure de mes lèvres. Goutte limpide de lucidité. Témoin de mon impuissance. Je goûtais alors à la saveur salée de la peur. J’étais fichue. Ma route s’arrêtait là. Avant même d’avoir vraiment commencé j’avais été stoppé en pleine course.

Ma liberté n’était qu’un poison éphémère. Mais je ne parvenais pas à admettre une défaite si rapide. Aussi je me débattis encore. Inlassable combat contre la prison. A défaut de pouvoir fuir, je pouvais toujours mourir. Ce chien m’arracherait la gorge plutôt que d’abandonner la lute et moi je mourrai plutôt que de retourner à la servitude.

Tout était si simple alors…

Toutes à mes pensées de désolation je ne pris pas garde à ce qui se passait. C’est pourquoi je ne me rendis pas compte immédiatement de l’étrange silence qui régnait alentours.

Pas un bruit ne venait interrompre le silence de la nuit.

Ce n’était guère normal dans cette contrée où chaque recoin contenait un tas d’animaux ou insectes plus incongrus et bruyants les uns que les autres. En outre, même les propriétaires de ces chiens enragés n’étaient ni visibles ni audibles. Ils auraient pourtant dû être là pour me récupérer.

« Que se passe-t-il… »

Ma propre voix retentit, macabre dans ce silence oppressant.

Puis un bruit se fit entendre…Me prouvant que tout n’était pas forcément préférable à ce silence. Les colosses comprirent qu’il y avait décidemment bien trop de mystère et ils s’enfuirent sans demander leur reste. Me laissant ainsi seule.

Ce bruit était épouvantable. Asthmatique et caverneux à la fois. En un mot : démoniaque. Il ne pouvait en être autrement alors que tous les autres animaux s’étaient tus sur son passage. J’ignorais totalement la nature de la créature qui avait produit ce son. Mais j’avais peur.

Je me relevais toutefois lentement. Sachant pertinemment que rester allonger au sol ne m’aiderait pas. Je regardais tout autour de moi, à la recherche d’un indice. Mais rien. Devant il y avait la prairie qui bordait le village. L’herbe brûlée jaunissait à la lumière crue du soleil crépusculaire. Elle se balançait lentement au gré d’un petit courant d’air. Derrière, mes yeux s’accrochèrent aux arbres qui me faisaient face. Comme hypnotisée par eux, je ne pouvais les quitter des yeux. Ils semblaient me narguer, me dire : viendras-tu ou auras-tu trop peur pour nous suivre ?

Leurs branches se tordaient vers moi dans une dernière supplique. Fantômes suppliant que la mort vienne ou s’éloigne. Qu’on les achève enfin ou qu’on leur fournisse la paix. Esprits torturés par des visions trop lourdes à porter, même pour de si majestueux rois des bois.

Ils devaient avoir vu plus d’horreur que je n’en avais encore jamais vu à ce moment là…

Le vent bruissait doucement dans leurs branches noircies et calcinées par le soleil ardent. C’était affreux de les voir ainsi comme des sentinelles égarées, prisonnières de l’astre des cieux. Sur certain, de profondes blessures étaient gravées dans leur écorce. De ces écorchures inguérissables coulaient une résine brunâtre, prémices de leur lente agonie aux confins du monde. Personne ne se souciait de leur fin… Personne n’irait pleurer la perte de leur majestueuse beauté d’antan. Les Hommes avaient bien trop à faire avec leurs conflits violents et leur propre agonie ! L’aridité omniprésente dans cette région du monde avait provoqué des ravages inéluctables. Rien ne pourrait redevenir comme avant désormais.

Je me demandais s’ils m’indiqueraient le chemin à suivre.

****

Aujourd’hui je sais que les voix entendues cette nuit-là n’étaient pas le vent mais bien leur voix à eux. La voix de ces arbres rabougries, noircies par je ne sais quel maléfice. Celle de ces arbres tellement rapprochés que je ne pouvais traverser sans les effleurer. Contact immonde !

Mais à quel prix je dois payer cette connaissance ! Car je suis prisonnière à jamais maintenant. Lors de cette soirée, face à cette étrange forêt, lorsque je pris la décision de m’engager malgré le principal danger éloigné, je m’engageais sur une route sans retour.

Déjà à ce moment-là je commençais à devenir celle que je suis maintenant !

****

Une bande de tissu arraché au bas de ma robe et enroulé autour de mon bras blessé, je pénétrais la mince couche de feuillages craquants des premiers arbres, lesquels dissimulaient un étroit sentier à peine visible.

J’ignorais encore que les arbres étaient vivants.

Qu’ils possédaient une conscience propre.

Et c’est ainsi que je parvins dans la Forêt Maudite, aussi appelée la

Forêt-Sans-Fin…

Bientôt, je n’aperçus même plus le champ d’où je mettais élancée pour fuir. Le silence enveloppait tout, semblable à une bulle…mais une bulle lourde et maléfique.

Une bulle qui aurait dû être rompu par un murmure, un couinement, un bruit furtif, que sais-je, n’importe quoi pourvu qu’il y ait un signe de vie autre que ma respiration saccadée et peureuse.

C’est alors qu’un bruit semblable à celui entendu à l’orée retentit de nouveau. Plus proche. Beaucoup trop près pour mes oreilles d’ailleurs. Je pivotais donc sur moi-même afin d’englober l’ensemble de ce qui m’entourait, cherchant à déterminer l’endroit et l’origine de cet étrange et effrayant bruit.

Sans succès.

Je sentais mon sang se glacer dans mes veines.

Liquide vaporeux. Liquide apeuré et gelé.

Produisant un malaise irréel. Que je détestais aussitôt.

Cet état d’ignorance provoquait en moi une envie de vomir mes tripes. Envie qui enflait dans ma gorge pour mourir sur mes lèvres fermées….

Quel que soit la chose qui approchait elle semblait atteinte d’un mal incurable : son souffle court et rapide montrait qu’elle éprouvait des difficultés énormes à respirer. Pourtant il était évident à mes yeux qu’elle n’en restait pas moins dangereuse. Dans ce lieu de culte de Magie Noire les seules créatures que je rencontrerai seraient forcément des ennemies…

Si seulement j’avais pu savoir !

Pourtant la créature ne réitéra pas son bruit de respiration hachée, pas plus qu’elle ne se montra. Aussi, ne pouvant rien faire de plus, je repris ma route. Consciente du danger et de mon manque d’expérience en matière de protection. Mais désireuse avant tout de poursuivre en avant ma route et de sortir au plus vite de cet endroit dégageant tant d’ondes démoniaques. Je continuais donc, la peur au ventre. Boule infinie de craintes sans nom. Sans visage. Ma raison me dictant de faire demi-tour au plus vite. Qu’il n’y avait point de honte à avoir. Mais je refusais de suivre ce que tout en moi me dictait.

On ne fait jamais suffisamment confiance à sa raison. Persuadé que le cœur guide bien mieux nos pas alors qu’en vérité il corrompt nos âmes et nous entraîne vers la fin de toute chose…

Je marchais ainsi une heure…puis deux…puis quatre.

J’étais seule. Inexorablement seule…seule dans cet endroit…seule avec mes pensées et mes peurs. C’était comme si j’étais seule aux portes du purgatoire. D’où il n’y aurait aucune clémence pour moi, condamnée à errer en ce lieu éternellement, dans les ténèbres de la forêt. Il n’y aurait sans doute pas de retour pour moi chez les vivants. La forêt défilait inlassablement. Chaque branche se mêlant à la suivante, fouillis invraisemblable d’enchevêtrement. Je n’y prêtais plus aucune attention. Mes pensées souhaitaient atteindre un autre niveau. Bientôt je quittais la réalité de ce monde pour entrer dans une autre dimension. Dans laquelle des hallucinations transposaient de terribles cauchemars.

Cauchemars dus à mes peurs les plus secrètes ?

Cauchemars dus à mon impuissance devant cette magie contre laquelle je ne parvenais point à lutter ?

Ou pire encore : cauchemars dus à mon identité profonde ?

Ils m’entraînèrent dans un tel état de conscience que je crus un moment voyager en compagnie de ceux que j’avais perdu….

Je suis certaine qu’ils étaient là, à mes côtés. Longues silhouettes silencieuses. Corps presque transparents vêtus de haillons, corps aux veines si sombres qu’elles procuraient un sentiment de malaise. Malgré tout, face à ce miracle, des larmes de gratitude se mirent à couler sur mes joues. Larmes qui se transformèrent bien vite en détresse lorsque je compris qu’ils ne répondraient pas à mes paroles. Jamais plus je ne goûterais au réconfort des mots d’amour de tous les miens. Perdus pour toujours dans les limbes de la Mort ils continueraient à errer ainsi jusqu’à la nuit des temps. Tel est le destin de ceux qui n’ont pas de tombeaux. Aucun repos éternel ne fermera leurs yeux. Contraints à regarder ce monde s’avilir sous les vices les plus cruels, ils devront marcher sans fin sous les arbres. Ce jour là je goûtai à la connaissance de l’Eternel. Je sus que rien n’est pardonné dans la Mort lorsque la Mort n’est point vengée. Ce savoir avait un goût amer. Elle eut l’avantage de me ramener dans ma dimension première. Pourtant, avant d’y retourner je ressentis le désespoir le plus total : j’eus en effet le temps de revoir ma mère bien aimée, qui même dans le dénuement le plus total ne m’avait pas encore abandonnée.

Je la vis et cependant elle n’avait plus rien à voir avec celle que je connaissais : sa magnifique et lourde chevelure ébène d’autrefois était désormais parsemait de trous laissant apparaître la blancheur de son crâne. Ses joues autrefois emplies paraissaient creusées par une faim insatiable constamment inassouvie. Lorsqu’elle passa ses longs doigts fins sur son crâne dégarni, d’un geste machinal que j’avais pu observer tant de fois avant qu’on me l’enlève, je pus constater les ravages du temps et de la mort : ce n’était plus que des os auxquels de minces lambeaux de chair tentaient de s’accrocher encore. Mais le pire fut sans doute ses yeux. Vides. Vides de tout désir. De toutes espérances.

Vides.

Totalement.

Mon regard ne s’attarda que trop sur elle. Puis elle s’éloigna lentement, d’une démarche monocorde, à l’unisson de toutes les autres.

Valdrock avait fait d’eux des Zom’bies….

Alors seulement je revins dans le monde des Hommes.

Ce fut pour entendre de nouveau ce cri d’un autre âge, sur ma droite. Hurlement perçant qui parut sortir tout droit des Cavernes Enfer’nales.

Je crois à présent que nous suivions la même route, sans le savoir.

Dans mon affolement je me dis qu’il me poursuivait et je m’apprêtais définitivement à quitter les lieux quand je crus entendre une voix fluette à quelque pas. Celle-ci semblait supplier l’horreur de la laisser partir tandis qu’elle approchait vers moi. Je ne peux oublier le ton de cette voix : impérieuse en dépit de la supplique qu’elle représentait. Pas une once de peur ou de doute.

Juste une prière….

Pour ma part je me trouvais confrontée à un dilemme. Raison et Sagesse s’affrontant en duel dans ma conscience. Si différentes et à la fois si semblables. La première m’ordonnant de m’enfuir au plus vite. La seconde m’intimant l’ordre de rester, car la fuite ne m’assurerait aucun repos vu que je ne pourrais jamais me pardonner d’avoir abandonné cette voix. Et je restais là, indécise. Les yeux exorbités. Le visage couvert de sueur et de boue. La bouche entrouverte par l’hésitation. Je ne sentais même plus la douleur dans mon bras. Raison envisagea longuement et sérieusement toutes mes options ; et aboutit à la conclusion que je devais fuir pour mon propre bien.

Mais Sagesse me confirma que si je fuyais je n’éprouverai alors que honte et souffrance, ce qui serait pire que la mort encourue en restant ici. Je ne pourrai pas vivre avec cette honte.

Plongée dans mes pensées je ne fis plus attention aux bruits qui m’enveloppaient. Le bruit des branchages qui s’écartent ne me sortirent aucunement de ma torpeur. Mais un cri de douleur perça les brumes de mon esprit, plus efficace que les cris aiguës de ces deux consciences. Je me réfugiais donc rapidement derrière un épineux buisson, suffisamment touffu à mon humble avis.

Ma décision était prise.

Ainsi j’attendis que le monstre arrive. Peut-être était-ce la mort qui avançait son nez pointu vers moi. Ses doigts crochus happant l’air devant elle pour mieux s’agripper à moi et ce afin d’arracher ma peau avant de s’envoler avec mon âme. Je sentais presque son haleine putride envahir peu à peu mon espace vital, réduisant l’air jusqu’à l’asphyxie finale… je pressentis alors dans un élan fugace et pour la première fois sans doute que nous sommes tous destinés à mourir. Je n’en avais jamais pris conscience auparavant. Et si ce pressentiment m'effraya tant, il n'en demeura pas moins un simple avertissement que je m'empressais de cacher dans un recoin sombre de mon esprit. Je ne voulais point y penser. Pas en cet instant décisif pendant lequel la mort pouvait me prendre mais où mon courage ne devait aucunement faire défaut.

Je retenais mon souffle tandis que le monstre approchait de plus en plus vite dans ma direction. Les arbres, qui l'instant d'avant se resserraient contre moi, semblaient littéralement s'écarter pour lui livrer passage ... passage à une créature monstrueuse, dotée de membres squelettiques immenses. Son corps, à la mesure de ses bras, était maigre au point que, dénudé, on devait sans aucun doute apercevoir ses côtes. Pour l'heure elle était vêtue d'un mince haillon couleur gris sale, déchiré à maints endroits. Une ceinture de toile enserrait sa taille, accentuant davantage cette impression de squelette. Dessous, un pantalon râpé aux genoux et de même couleur recouvrait ses cuisses maigrichonnes. Mettant à la lumière ses chevilles étrangement hérissées de deux pointes d'acier de chaque côté. Pourtant, le plus stupéfiant et répugnant n'était pas ses étranges pointes mais au contraire son hideux visage. Bien que dissimulée par un capuchon pointu, il était possible d'apercevoir ses yeux.

Deux immenses yeux clairs qui mangeaient presque la place de ses joues creuses, accentuant encore son aspect maladif. A l'intérieur n'était visible qu'une lueur de folie. Quelle que soit son origine et la maladie qui le rongeait, ça allait le tuer après l'avoir rendu fou. Enfin, des lèvres écarlates apparaissaient au gré de ses grimaces. Ecarlates à cause du liquide visqueux qui en dégoulinait, ressemblant fort au sang de la jeune fillette qu'il avait négligemment jeté à terre. A la commissure de ses lèvres, deux petites pointes d'acier identiques à celles des chevilles. Mon estomac se révulsa, nausée que je parvins pourtant à contenir, bien malgré moi. Toutefois mes yeux ne purent s'attarder très longtemps sur le corps de la môme au sol. La vision que j'en eus fut brève et cependant trop longue déjà. En effet, elle qui devait être blonde à l'origine possédait désormais une chevelure sanguine. Et son visage! Autrefois angélique il était à présent défiguré par une grimace de souffrance contenue tant bien que mal. Une blessure béante suintait au milieu de sa joue gauche, finissant de rendre ce tableau immonde. Elle serait défigurée à vie à cause de cette Chose, si toutefois elle restait en vie assez longtemps. »

A cet instant plusieurs femmes du camp ne purent contenir davantage leur dégoût. Certaines grimacèrent. D'autres s'en allèrent tout bonnement vomir.

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Je m'en souviens comme si c'était hier. Je revois leurs visages à tous. Ils pressentaient qu'une ombre me poursuivait sans parvenir vraiment à connaître la véritable teneur de cette ombre grandissante. Pour la première fois j'étais au centre de l'attention générale. Aujourd'hui je le suis encore, certes, mais pour d'autres raisons.

D'autres raisons....

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J'attendis le calme revenu pour poursuivre mon récit.

« J'étais dans un état proche de la panique. Que pouvais-je faire? Que devais-je faire? Comment pouvais-je avoir eu la prétention de croire que j'avais les moyens de la sauver, seule ?

Je ne parvenais plus à réfléchir à la situation. Mon cerveau s’était figé dans une sorte de torpeur trompeuse, insensible à la brutale réalité.

Alors il recommença un geste qu’il avait déjà effectué, de manière nonchalante, habitude remonta du fond des âges, bien avant d’être devenu fou ; il se pourlécha les babines. Mon regard n’y échappa pas et c’est ainsi que je revis le sang qui s’étalait sur sa figure monstrueuse. L’évidence s’imposa presque trop facilement : il aimait le sang. C’était un fait indéniable. Par conséquent il devait appartenir à la famille des vamp’ires.

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Conclusion simpliste car aujourd’hui je n’ignore plus combien est imposant le nombre de créatures aimant le sang en dehors des vamp’ires. De même que la diversité des espèces parmi eux. Chiffre si grand que les hommes finiront par y succomber…

Et pourtant en cet instant fugace venu de mon passé j’ai réussi, sans le comprendre, à me connecter à l’essence même de l’univers. Il en a toujours été ainsi dans la tribu d’Iowa. D’une manière inexplicable nous pouvons communiquer avec la voix si souvent silencieuse du monde, et en tirer nos pouvoirs. Les forces universelles sont dotées d’une telle puissance ! En parvenant à nous connecter à elle nous possédons le pouvoir de s’en servir à volonté. Bien sûr cela nécessite beaucoup de force et d’énergie. Ma mère possédait ce don presque naturellement, elle n’avait guère besoin de se concentrer, tandis que lorsque mon tour fut venu je faillis à mon héritage ! Mais n’est-ce pas mieux ainsi ? Je n’ose imaginer…non les conséquences auraient été plus désastreuses encore si…

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Maintes légendes étaient parvenues à mes oreilles durant les rares veillées auxquelles j’avais eu le droit de participer. Ces créatures étaient incontestablement des êtres de la nuit. Des monstres qui dormait en des lieux sombres et fétides tout le jour car ils craignaient la lumière…

Voilà !

Je tenais la solution !

Et au vue de son regard qui s’attarder une nouvelle fois sur l’enfant il n’était plus temps de réfléchir ; agir restait la seule alternative pour nous sortir vivantes de ce piège infernal.

Comme je voudrais retrouver cette naïveté qui ne me laissait pas douter un seul instant de parvenir à réaliser un tel exploit…

Il ne me restait plus à présent qu’à trouver le moyen de l’aveugler avec une source de lumière. Ou plutôt le moyen de ralentir le temps car allumer un feu avec mes silex nécessitait un temps trop long, je ne pouvais pas me permettre d’attendre, la fillette serait morte bien avant….

Le souffle du vent se fit alors plus présent, plus intense. Murmurant à mon oreille des paroles infinies que je ne comprenais pas. Pourtant, en cet instant unique, inconsciente de mon passé et de mon avenir, je m’oubliais dans ses propos sans significations. Je m’y perdais sans réellement en prendre conscience, simplement en fermant mes paupières et en écoutant le dialogue musical jouait par les Bergers des cieux. Ils avaient entendu ma supplique informulée. Et y répondaient en lâchant leurs enfants, patiemment nourris et gardées par eux, sur la tête de cet être à moitié mort. En cet instant fugace, et pour la première fois de ma pitoyable existence, la légende d’une ancienne peuplade du désert se concrétisa devant moi dans le monde des hommes. En effet, parmi les Zoulous existe une croyance céleste tenace : les éclairs sont des créatures vivantes qu’ils nourrissent patiemment. Elles furent bienveillantes à mon égard ce jour là car l’un d’eux vint frapper une branche de chêne robuste et taillée pour tenir dans la main d’un homme, comme on tient une torche. Aussitôt l’extrémité s’enflamma d’une magnifique lueur orangée aux reflets noirâtres. Je n’eux d’autre choix que de la ramasser, attirée par des couleurs aussi vives. Et j’aurai sans doute pu rester ainsi indéfiniment si la respiration rauque de mon ennemi ne m’avait pas sortit de cette délicieuse torpeur. Ainsi une aide divine et providentielle allait m’aider à vaincre mon premier véritable adversaire…

Ma force fut alors la même qu’aujourd’hui : je ne m’étonnais pas qu’une chose aussi prodigieuse puisse arriver. Je me contentais d’en apprécier l’arrivée inopinée !

J’eus un court instant la brève sensation que mon plan ne fonctionnerait peut-être pas, mais le temps me manquait, et refusez un présent des Dieux, même d’un dieu inconnu de mon culte, était sans aucun doute synonyme de mort.

J’avais dans l’idée de brandir cette torche improvisée au dessus de moi, face au regard affamé de l’hideuse créature. Puis, lorsqu’elle serait aveuglée (en espérant qu’elle le soit) je lui enfoncerai mon coutelas dans le cœur. Simple et rapide. Durant une brève minute ensuite je résistais à l’envie de fuir au plus vite. Aussi, avant de m’élancer, je me décidais à prier. Je n’avais plus prié depuis ma rencontre inopinée avec l’inconnu aux yeux charbons. Ce jour là j’avais perdu tous mes repères et tous mes Dieux, eux qui avaient permis que ce passé se concrétise puis que je l’oubli plus tard ne méritaient pas mes prières. Et cependant, cependant en cet instant je n’hésitais pas à les prier tous. Ceux que je connaissais comme les plus illustres inconnus. Trop de protection valait mieux que pas assez… Seulement alors je me décidais à charger. Et bien sûr rien ne se déroula comme prévu….

Suite à cette prière angoissante je me précipitais sans tarder au devant de la monstrueuse sangsue, désireuse d’en finir au plus tôt. Me plaçant rapidement entre lui et la fillette immobile je levais le plus haut possible la torche magique, face à son regard hideux. Dans ma main gauche je tenais fermement le coutelas à la lame ivoire de ma mère disparue, bien décidée à l’éliminer une fois pour toute. J’espérai que sa folie meurtrière m’aiderait à le vaincre au même titre que la lumière : après tout, alliée à la colère tout était possible.

Ivre de rage celui-ci ne me laissa pourtant guère le temps de penser, se penchant sur mon corps avec fracas.

Encore aujourd’hui je me souviens du bruit de ses os qui craquent tandis qu’il se baissait vers moi dans l’évidente tentative de me tuer. C’était un bruit incongru auquel mes oreilles n’était pas habituées alors.

Mais il avait oublié la lumière dans sa fureur, aussi sa propre faiblesse me sauva. Face à la torche sa réaction fut immédiate : il se souleva immédiatement de toute son immense taille, un hurlement à demi étouffé par la glaire contenue dans sa gorge. Je restais quelques secondes immobile, totalement stupéfaite par ce mouvement aussi violent. Je n’avais pas réalisé qu’il réagirait ainsi même si c’était providentiel. Puis je finis par me remettre de ma stupéfaction et hurler aussitôt à l’attention de la gamine de déguerpir :

« - Dégage ! Barre-toi d’ici ! »

Dès lors tout s’enchaîna très vite. La môme galopa aussi vite que possible vers la gauche.

Bien.

Je partirai donc vers la droite. Tel un appât impossible à ignorer puisque j’étais la cause même de la fuite de son repas. Aussi, en toute logique, par esprit de vengeance, c’est moi qu’il suivrait et non la pauvre enfant.

La vengeance encore. Toujours. Elle gouverne le cœur de tous les hommes….

Je ne pourrai certes pas le déjouer longtemps. Néanmoins si je résistais suffisamment elle aurait sans doute le temps de s’enfuir assez loin pour lui échapper. Et puis, mon corps lui suffirait peut-être…. C’était en tout cas mon raisonnement.

Raisonnement d’un futur chasseur obligé de comprendre sa proie afin de mieux la piéger….

Et cela s’avéra fondé : il s’élança à une vitesse prodigieuse derrière moi. J’entendais les branches se fracasser alors qu’il courrait à mes trousses, aveuglé par une folle colère et un appétit insatiable qui n’avait pas même été comblé de moitié.

Emma n’avait pas attendu que la jeune fille se répète. Dès qu’elle en avait reçu l’ordre elle avait fuit. Son choix n’était pas anodin. A gauche il y avait son village. Et au bout, sa mère et … Junior. Dès le premier regard elle avait compris que le temps jouait contre elles. La pâle jeune fille n’était pas une guerrière aguerrie. Loin s’en faut ! Et si elle ne se dépêchait pas une autre innocente allait mourir. A sa place. Pour elle. Une inconnue !

Le vent colle ses longs cheveux blonds ensanglantés sur ses joues juvéniles. Qui est-elle cette enfant tout juste sortie du confort des bras de sa mère ? Ses forces s’épuisent. La quittent. Pourtant elle poursuit sa course. Parce qu’elle a une raison de vivre. Parce que tout homme s’accroche à la vie si seulement on lui offre une bonne raison de survivre. Quel qu’en soit le prix. Oui, quoi qu’il en coûte.

Quoi qu’il en coûte….

Je détalais malgré mes jambes affaiblies. Son hurlement surnaturel retentissait toujours dans mon dos. C’était un son grinçant. Sorte de crissement capable de me déchirer les tympans lorsqu’il atteindrait son apogée.

La peur au ventre je courrais, encore. Me sentant défaillir j’essayais de m’accrocher désespérément à une pensée de réconfort. Et la seule qui me vint fut que la situation aurait pu être bien pire si ca avait été une monstrueuse araignée venimeuse qui me coursait et non cette chose.

Aujourd’hui encore c’est l’une des bestioles que je hais le plus…en dépit de tout.

Faible consolation cela dit. Il se rapprochait dangereusement et je comprenais peu à peu que mon plan ne fonctionnerait pas en fin de compte : il m’aurait tué bien avant que la petite fille ne soit enfin sauvée. Je n’avais dès lors plus d’autre choix, il fallait lui planter ma lame dans son cœur. Même si pour ça je devais accepter de l’affronter face à face au lieu de cavaler devant lui. J’éprouvais néanmoins une incapacité momentanée à accepter cette éventualité. La mort s’était jetée sur moi de manière si soudaine que je n’avais guère eut le temps de me faire à l’idée. Cependant l’attente ne fut pas très longue avant que la distance qui nous séparait soit définitivement réduite. Je levais aussitôt la torche divine, davantage dans un geste défensif que par volonté de combattre. Cela me laissa le temps d’empoigner aussi fermement que possible mon coutelas. Je n’avais pas la moindre idée de l’endroit où il fallait frapper pour être certaine de vaincre. Pas plus que je ne connaissais la force de mon bras et la puissance de ma volonté. Mais il ne me laissa pas le temps de m’en inquiéter, s’abattant sur moi si vite que je pus juste lancer mon bras en avant. La lame s’enfonça brutalement dans le torse de la créature et le sang se mit à goûter en même temps qu’un immonde liquide jaune suintait de la blessure. Son cri se chargea de haine et de souffrance réunie. Une souffrance infinie qu’il n’avait encore jamais ressenti au vue de la surprise que je lisais dans ces prunelles délirantes. Sans doute venait-il de connaître son premier échec depuis les nombreux millénaires qu’il vivait. Et par là de découvrir son premier sentiment typiquement humain. Il se releva de toute son immense taille, son hurlement se muant en une sonnerie stridente, insupportable, et ses mains se crispèrent dans un violent soubresaut. Et pourtant il ne mourait pas.

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Sans doute parce que son cœur ne se trouvait pas à cet endroit….. Cet ancêtre des Vamp‘ires possédait une défense sans commune mesure avec celle de ses descendants si faible en comparaison. Il possédait en réalité deux cœurs…

Le premier à la place d’un de nos poumons. Le second à la place de l’estomac. Aussi, même si je l’avais poignardé au bon endroit je n’aurai pas réussi à le tuer.

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Ses spasmes devinrent vite moins nombreux, et il avait conservé toute sa rage et sa volonté de m’exterminer. A ce moment précis et en ce lieu inattendu je me sentis alors véritablement perdue. Plus, oui bien plus en vérité, que je ne l’avais ressentit lorsque mon inconnu était repartit m’abandonnant avec ce flot de souvenirs ensanglantés.

Je demeurais immobile. Figée dans ma peur, les mains dégoulinant du sang de ce démon, je n’arrivais plus à réfléchir.

Je le vis se pencher sur moi. J’observais pétrifiée ses mains se tendre dans l’intention évidente de m’empoigner. Je sentis qu’il me soulevait. Ses doigts étaient secs et glacés. Un éclair traversa l’extrémité de ses phalanges et se répandit dans tout mon corps paralysant ce qu’il restait de mobilité en moi. Alors ses crocs froids s’enfoncèrent dans la chair tendre de la base de mon cou. Des bruits écœurants de succions vinrent remplacer le son du sang battant dans mes oreilles. Le froid m’envahit tandis qu’il me tenait fermement contre lui. Mes bras tombaient inertes le long du corps alors que mes pieds ne touchaient même plus terre. Et lui se repaissait de mon sang chaud. De ma force vitale. De mon énergie.

Il se repaissait de ma vie.

Et plus il étanchait sa soif plus je me sentais partir vers un ailleurs très effrayant. Il m’empêchait de bouger tout en faisant en sorte de me garder en vie. En effet, il s’avéra qu’il ne désirait aucunement me tuer tout de suite. Malheureusement. Bientôt mon cerveau finit par atteindre un degré de conscience supérieur à la normal. Je ressentais les forces qui m’entouraient, comme si l’univers entier avait décidé de se réunir autour de moi.

En fait c’est à ce moment là que mon véritable héritage s’ancra enfin en moi. La pouvoir d’Iowa, celui que ma mère maîtrisait mieux que personne, venait de se propager dans mes veines en cet instant tragique. Pourtant, plus tard, je finis par le perdre….

J’avais conscience de tout ce qui m’entourait : cela allait de la brise d’air jusqu’au plus petit fourmillement terrestre des insectes en passant par le battement même du cœur de la terre. Pourtant ce fut bien pire ensuite.

Car pendant que mon corps s’affaiblissait en même tant que mon esprit se renforçait je me rendis compte tout à coup du désir bestial qui se dégageait de tout son être. Désir nauséabond. Insoutenable. Son odeur chatouillait mes narines.

Intenable….

Je suffoquais. Incapable d’échapper à ses caresses moites et à ses lèvres goulûment posées sur mon cou.

Perfides tentatrices vous m’avez empoisonnée lentement ce jour là.

Ce fut mon premier viol d’une certaine manière….

Toutefois je n’arrivais pas à lui échapper. Et je finis par plonger dans un océan noirâtre plein d’écume. Je sentais l’eau, étrangement huileuse, glisser sur ma peau moite tandis que je m’enfonçais lentement dans le Sheol. Premier cercle parmi les sept constituant la route d’Hadès.

Un grand escalier en marbre noir descendait dans un abyme de noirceur. Une corde tenait lieu de rampe, indispensable puisque les marches étaient fréquemment brisées par endroit. Je descendais irrévocablement sans pouvoir m’arrêter. De vilaines toiles d’araignées, auxquelles je tentais vaguement d’échapper, venaient à intervalles irréguliers se frotter contre mes cheveux, mon visage. Puis, arrivée en bas, je me retrouvais dans une sorte d’immense hall en ruine. Certainement le seul vestige encore debout de la grande cité d’autrefois, Perdition. Célèbre dans les légendes pour être la dernière Cité Elfique à avoir résisté aux assauts des meutes de l’Enfer. Finalement vaincue, les derniers représentants de cette race avaient lancé une malédiction pour damner cet endroit et faire en sorte que jamais plus ces murs ne voient l’aurore. Je ne voulais pas rester plus longtemps en cette demeure. Au contraire, je désirais remonter à la surface, revenir au jour. Au lieu de quoi mes pas me conduisirent plus avant encore. Malgré moi. Dans le troisième cercle. Là, je découvris ce que certains appellent la Basse-Fosse. J’étais sans doute descendue sans le savoir dans les cachots de l’Ancienne Cité. Je pressais le pas. Refusant de courir le risque de croiser le regard des Illayés, ces enfants morts et qui de tout temps n’acceptaient pas de rejoindre les Cieux. Simplement imaginer la présence de telles créatures me glaçait d’effroi. Mes souliers faisaient bien trop de bruit à mes oreilles. J’allais me faire repérer c’était certain. Les corridors s’enchaînaient mais je continuais à me dépêcher.

Le désespoir avait presque atteint mon cœur à présent. Bientôt la chaleur allait devenir intense. Puis insupportable. Alors plus aucun retour en arrière ne saurait être possible.

Quinze minutes plus tard j’atteignais les sentines. Une odeur épouvantable me prit immédiatement à la gorge. Nauséabonde au point de faire oublier tout le reste. Ne restait que cette odeur de charnier et de décomposition. Où que mon regard se posa, je ne rencontrais qu’un marécage verdâtre recouvert de mousse et de lichen. Un léger chemin de boue sinuait entre les mares cadavériques. Je m’efforçais alors à le suivre scrupuleusement afin de ne pas entrer en contact avec l’eau environnante.

« Je veux sortir de là. Pitié… »

Soudain des hurlements retentirent, résonnant sans aucun répit, fracassant une à une les barrières érigées face à l’agression de la Chose. Je titubais de plus en plus au risque de m’égarer pour toujours. Bientôt, très bientôt j’allais atterrir dans l’antre de Silence, et là je serais irrémédiablement perdue. Car les Portes de la Mort et celles de son Ombre seraient tout près et même Léthé, le fleuve de l’oubli, ne pourrait me sauver de l’emprise de Fong-tou, la Principale ville de l’Enfer, demeure Impériale du Seigneur de ce monde.

C’est ce moment que choisit le monstre pour cesser de s’abreuver à mon cou. Me ramenant brutalement dans le monde des vivants.

La lente descente interrompue j’ouvris de nouveau les yeux sur ce monde inepte des vivants. Eperdue de reconnaissance je ne perçus pas tout d’abord l’inquiétante posture du monstre. Ses lèvres retroussées au dessus de ses dents laissaient couler le long de son menton une salive muqueuse tandis que ses dents lacérés les alentours d’une vue perçante. Il semblait guetter quelque chose, comme s’il s’attendait à une attaque….

Je craignais cependant d’interpréter ses réactions par rapport à mes désirs. Car une attaque extérieure le divertirait sans doute assez longtemps pour que je puisse m’échapper. Et si mes doutes augmentaient quant à mes capacités de fuir avec mes forces si faibles, je n’avais aucun doute sur mes chances de survie si je devais subir encore une autre ponction de sang. Il était toujours aux aguets, écoutant je ne sais quel bruit, scrutant une portion bien précise de la forêt. Sa main me serrait fermement, toutefois son attention ne serait bientôt plus du tout dirigé vers moi. J’attendais cet instant avec appréhension, sentant la terreur qui tentait de m’envahir. Si cette situation s’éternisait je n’aurais probablement plus assez de maîtrise sur mon corps pour pouvoir tenter quoi que ce soit. Des larmes se mirent à perler au coin des yeux…

****

L’attente m‘a toujours rendue folle. Chaque seconde d’inaction et un instant de perdu. Ma place est sur les champs de bataille. Mes mains sont faites pour tuer….

****

Soudain ce démon assoiffé referma sa poigne sur ma nuque dans un spasme d’agonie. Ses ongles entrèrent dans ma chair, ses dents se maculèrent de sang mais aucun son n’en sortit.

Et puis, il fût mort.

En un éclair.

Jetais à terre en même temps que mon ennemi, je rampais lamentablement dans les fourrés, tentative dérisoire pour me dissimuler de l’agresseur. Et là, en ce lieu inconnu, je laissais les ténèbres m’envahir lentement. Trop heureuse de quitter mes démons ne fut-ce que pour un temps. »

Sur ces mots je cessais mon récit. Des regards intenses me fixaient, certains avec une vague lueur de scepticisme au fond des yeux, d’autres encore trop stupéfaits pour savoir si je venais de raconter ma véritables histoire ou un mensonge éhonté. Je souris alors vainement pour tenter de les rassurer, mais ces souvenirs me hantaient.

« Je vais aller retrouver Morphée mes amis. »

Formule universelle pour prendre congé et me retrouver seule, enfin. Bien que des mains se tendirent pour me convaincre de poursuivre un peu, mes pas me conduisirent sous la jolie tente qu’ils m’avaient cordialement offerte. Les laissant discutailler sur cette étrangère, apparue au crépuscule d’un jour si semblable à celui-ci.