" Il n'y eut d'abord que la lune
Et les arbres tachetés de noir
Dans la lagune lunaire
De la brise oubliée
Puis une chose inconnue bougea
Où neigeait le silence lunaire
Et un vague tourbillon silencieux
Fusa léger dans le vide
Doucement, paresseusement, seuls
Au delà de tous regards,
Manifestés dans l'invisible
Ils dansaient leur délice
Leur vague lointain tissait
Une douleur autour du cœur,
Une peur fantomatique
S'avouant vaine et passagère
Le cœur se souvenait de vies
D'avant l'amour et le foyer
Dont la mémoire surgit ténue
Quand s'amorce cette seule danse
Le vœu d'un vague objet futur
Un sens relâché des consciences
Dans l'âme une chose lunaire
Comme des elfes dans l'espérance
Glissant aériens sur la pointe des pieds
Mêlés aux ténèbres lunaires
Tendus, confondus, cachés
Ils allaient ça et là
A gauche, à droite, ils se balançaient
Asservis à aucun lien
Un pipeau grave telle une plainte
Du désir rythmait leur danse
Tombant dans le silence
Comme un objet frappant le sol
Ils tourbillonnaient un temps, puis se figeaient
Ils reprirent alors leur route
Jusqu'à ce que, leurs tours s'alanguissant,
L'air glacé se dépouillât encore
Seul alors à nouveau régna le clair de lune
Et là, rien ne s'était passé. "
Poèmes anglais, Fernando Pessoa